Résumé
Harry ne sait pas quoi faire suite aux révélations de Jedusor. Même s’il doit se rendre à l’évidence, il ne juge pas Hagrid et se montre fidèle dans son amitié, un trait de caractère qu’on trouvera toujours chez lui. D’un autre côté, il comprend parfaitement Jedusor, et, alors qu’une double agression a lieu quelques minutes avant le dernier match de la saison, menaçant l’école de fermeture, il se demande si, lui aussi, ne va pas aller parler à Hagrid. Hermione et Pénélope Deauclaire sont pétrifiées, et leur amie ne peut donc plus aider Ron et Harry à prendre de sages décisions. Comme souvent, les voilà repartis dans une aventure dangereuse sous « la vieille cape [du] père » de Harry pour aller confronter Hagrid à la vérité : a-t-il à nouveau laissé un monstre se « dégourdir ses nombreuses pattes » dans le château ? Mais Hagrid semblait attendre une visite déplaisante puisqu’il leur ouvre l’arbalète à la main. En effet, quelques instants plus tard, le ministre de la magie,Cornelius Fudge, vient pour l’arrêter, accompagné de Dumbledore qui prend la défense de Hagrid. Fudge atteste ainsi la version de Jedusor en disant que Hagrid a bien été considéré coupable cinquante ans plus tôt. Alors arrive Lucius Malefoy qui vient signifier à Dumbledore son renvoi de ses fonctions. Dumbledore prend la nouvelle très calmement et rappelle que de l’aide sera toujours apporté à Poudlard à ceux qui en ont besoin. Harry à l’impression que ces paroles s’adressent à lui, et ce sera le cas dans la Chambre. Hagrid cependant est paniqué, il est certain qu’il s’agit d’une machination de Malefoy pour que les agressions continuent, il donne alors à Harry et Ron, cachés sous la cape d’invisibilité, un indice pour le moins étrange : « suivre les araignées ».
Analyse
Hermione et la bibliothèque, Percy et ses amours
Ce chapitre aux événements graves (double attaque, renvoi du directeur, arrestation d’un innocent) garde la marque de fabrique de Rowling : l’humour, toujours présent même dans les passages les plus dramatiques. Ainsi, Hermione qui comprend quelle est la nature du monstre n’en dit rien à ses amis car elle veut aller vérifier quelque chose à la bibliothèque. Attaquée par le monstre qu’elle a identifié, elle ne pourra pas révéler à tout le monde de quoi il s’agit. Encore une fois, Hermione montre donc son intelligence redoutable (elle est la première, Jedusor mis à part, à découvrir ce qu’est le monstre), son altruisme (elle sauve Pénélope Deauclaire en la faisant regarder dans un miroir, au lieu de mourir, la voilà pétrifiée) mais aussi son manque de sens pratique. À toujours retourner se plonger dans les livres, elle en oublie que le problème est bien réel et qu’elle a perdu un temps précieux à se rendre à la bibliothèque sans parler de rien à personne de peur de se tromper. Bien sûr, s’il en avait été autrement, nous n’aurions pas les chapitres suivants, et cette tactique nous donne des indices si nous sommes aussi brillants qu’Hermione, et nous consterne si nous sommes plus comme Ron et Harry. Mais Rowling peut ici à nouveau montrer que sa brillante héroïne n’est pas parfaite, et se révèle bien moins efficace que Harry face au danger. Ce trait de caractère, souligné par Ron, fait de plus sourire le lecteur, la rendant attachante tout en nous mettant de connivence avec Ron et Harry qui ne comprennent décidément rien à cette jeune fille.
L’humour se fait aussi aux dépens de Percy accusé d’être abattu parce qu’une préfète a été attaquée. Ce qui serait ridicule ne l’est pourtant pas, Pénélope est en effet la petite amie de Percy, comme on l’apprendra par la suite. Les deux faces du personnage sont donc bien présentes dans ce chapitre : ambitieux préfet ridicule, Percy donne à Harry des conseils d’orientation vagues, dits et redits, et surtout qui ne l’aident pas du tout à choisir. D’un autre côté, jeune homme sensible, il est abattu par le sort de sa petite amie. Ce chapitre rappelle donc qu’il y a du bon en Percy, que derrière ses dehors d’arriviste idiot il a un bon fond, celui qui le fera revenir vers sa famille à la fin.
Entre humour et sérieux, Rowling construit ici comme ailleurs des personnages authentiques et profonds, nous fait pleurer et rire, et c’est sa magie.
La malédiction de la coupe de Quidditch
Un bon lecteur de la saga le sait, il faut attendre un long moment pour que Gryffondor, qui, pourtant, a la meilleure équipe de l’école, et le meilleur attrapeur depuis un siècle, gagne la coupe de Quidditch. Dubois s’en désespère au point qu’on pourrait le croire frappé d’une malédiction : son attrapeur était à l’infirmerie lors de la finale en première année, en seconde année, un monstre attaque deux élèves deux minutes avant le match. Si l’annulation du match n’est pas drôle en soit, à une plus large échelle elle nous rappelle tous les déboires de cette équipe et les moments de désespoirs de Dubois auxquels succèdent toujours une sur-motivation. Et là, il faut bien sourire.
Harry et Jedusor : un destin commun ?
On ne le dira jamais assez, Harry Potter et La Chambre des Secrets met en place de nombreux éléments nécessaires à l’intrique du tome final. On voit notamment s’y instaurer le parallèle entre Voldemort et Harry que ce-dernier expérimentera via la pensine dans Harry Potter et Le Prince de Sang-Mêlé. Ce chapitre permet avant tout de mettre en place le principal lien entre Harry et Voldemort qui, fondamentalement, ne consiste pas en des aptitudes communes, mais en une situation commune : le manque d’amour côté moldu et leur épanouissement à l’école. Dans tout le tome, Harry s’est demandé s’il allait devenir comme Voldemort à cause de leurs points communs, Dumbledore lui dira que seuls ses choix comptent : c’est en effet ce qu’il aura compris à la fin de Harry Potter et les Reliques de la Mort. Comme Voldemort, comme Rogue, il ne s’est senti chez lui qu’à Poudlard, mais à partir de là, tous trois ont eu des chemins différents. Harry Potter insiste donc tout le long de ses épisodes sur le fait que notre situation familiale ne nous condamne pas : au-delà des statistiques, chaque individu fait ses propres choix, et se construit en fonction d’eux. Ce beau message prend sa source dans cette suite de chapitres où l’on découvre le garçon à l’origine de Voldemort. La force du parallèle avec Harry montre au lecteur que personne n’est condamné d’avance.
Cornelius Fudge : les racines du mal
Ce chapitre est le premier où l’on voit Cornelius Fudge. Comme son nom l’indique, l’homme est « mou » (les fudges, ce sont ces délicieux fondants anglais, chocolat ou caramel mou). On sait par Hagrid qu’il passe son temps à s’en remettre à Dumbledore, et il n’apparaît pas autrement dans cette scène. Son apparence est aussi étrange que celle de Scrimgeour, son successeur, mais alors que celui-ci apparaît d’emblée comme quelqu’un de fort, Fudge semble au contraire débonnaire. Son accoutrement est une sorte de mélange entre les modes sorcières et moldues où rien ne se démarque. La description ne pointe pas un élément symbolique fort chez lui, tout simplement parce qu’il n’en possède pas. Son comportement en dit encore plus loin : il est gêné (il tripote son chapeau), il s’excuse, il est à deux doigts de bredouiller. Et pourtant, que fait-il ? Une injustice, une grave injustice, interdite en Angleterre depuis l’habeas corpus de 1679. Il emprisonne quelqu’un dont la culpabilité n’est pas prouvée par précaution. Pire encore, il n’assume pas. Cornelius Fudge agit comme un tyran tyrannisé par l’opinion. Il soumet un innocent à une expérience traumatisante par peur du « qu’en dira-t-on ». Il est précisément le type de politicien nocif en temps de guerre qui se soucie plus de sa popularité que du salut public. Homme conciliant, homme de la paix, il sera une catastrophe lors du retour du mage noir, comme on le verra dans Harry Potter et l’Ordre du Phénix. Toute sa future incompétence est là en germe, moins dans l’injustice extrêmement grave qu’il commet que dans la piètre justification qu’il en donne.
Lucius Malefoy dans toute sa splendeur
Mais dans ce chapitre, nous retrouvons un personnage qui, lui non plus, n’a pas encore été beaucoup développé. On en a entendu parler, on l’a vu avec toute sa morgue aristocratique négocier avec un escroc, insulter Mr Weasley, le voici au sommet de sa puissance et dévoilant toute l’étendue de son influence : j’ai nommé Lucius Malefoy. Depuis le début de la saga, nous savons finalement peu de choses de lui : son fils se vante à l’envie de la richesse et de l’influence de son père, mais on pouvait bien se demander s’il fallait prendre au sérieux ce gosse de riche. La réponse est là, et c’est oui. Lucius Malefoy étend son pouvoir sur les deux grandes institutions des sorciers : le Ministère et Poudlard. Il appelle le ministre par son nom, sans utiliser de titre, et Fudge l’appelle par son prénom. Ces façons de s’appeler illustrent bien leur relation. Lucius Malefoy, aristocrate, connaît bien le ministre, mais en ne lui donnant pas du « monsieur », marque à son égard une forme de mépris. Il ne l’appelle pas non plus par son prénom : il n’est pas son ami. Fudge, lui l’appelle par son prénom, mais il ne s’agit pas là d’amitié, elle n’est pas réciproque. Il s’agit bien plutôt de dépendance. On apprendra par la suite que Lucius Malefoy donne beaucoup d’argent pour diverses œuvres, ce qui lui permet sûrement d’influencer la politique du ministère en palliant ses manques de subventions. Quant à Poudlard, il a un tel pouvoir sur les autres sorciers (qui doivent bien lui reconnaître de la puissance pour se sentir menacés au point de faire ce qu’il veut), qu’il peut tout leur faire faire, et même s’attaquer à un sorcier aussi reconnu que Dumbledore. Cette figure du mal conservateur, à l’origine des attaques comme on l’apprendra, se verra déchue à partir du sixième tome. Et quoi de mieux pour attester la puissance du lord noir que de montrer son emprise sur un homme si influent ?
La chasse aux indices
Nous sommes bien ici dans le dénouement que précipitent aussi bien l’attaque d’Hermione que le renvoi de Dumbledore. Comme dans le premier tome, c’est un indice fournit par Hagrid qui va leur permettre d’approcher de la vérité. Rowling met ici en place un rythme ultra efficace qui ressemble à une sorte de chasse aux indices : comme Harry et Ron, nous devons les collecter afin de comprendre ce qu’avait compris Hermione. Rowling accroche donc efficacement le lecteur au déroulement de l’histoire, et lui permet, à la relecture, de retrouver tous les indices qui aurait pu l’aider à deviner la fin et du coup à profiter d’un second plaisir de lecture. C’est l’une des richesses de Harry Potter qui peut se lire selon deux modes : celui du plaisir, du jeu, et celui de la compréhension de la stratégie de l’écrivain, comme un tacticien.
La magie de Poudlard
Finissons par la fin, l’une des célèbres citations de Dumbledore se trouve ici : « Vous vous apercevrez aussi qu’à Poudlard, une aide sera toujours apportée à ceux qui la demande. » Cette phrase fait bien sûr référence à l’aide apportée par Fumseck à Harry trois chapitres plus loin, mais elle a aussi été comprise comme une référence à l’épée de Gryffondor qui surgit sans explication quand un élève en a besoin : Harry et Neville, aux destins si liés, sont bien placés pour le savoir. Et voilà comment, dès le deuxième tome, une explication est fournie pour l’un des éléments du dénouement de la saga.
Merci à Anastasiarogue pour son analyse