Interview de J.K. Rowling

La dernière fois que vous avez fait une apparition en public, c’était aux Jeux Olympiques devant une foule de 80 000 personnes et une audience de plus d’un milliard à la télévision.

Ça me rend vraiment malade quand vous dites ça ! C’était complètement terrifiant. Ça m’a pris un petit moment pour me persuader de le faire. En fait, Danny m’a demandé deux fois avant que je réponde oui. Il m’a demandé : On peut se voir, juste, et on en parle. Il m’a raconté exactement ce qui allait se passer, y compris le parachutage de la reine depuis l’hélicoptère. Quand il m’a dit ça, j’ai pensé : Personne ne va se souvenir que j’étais là. C’était super. Je dois dire que c’est l’une des meilleures choses que j’ai jamais faite de ma vie. J’étais si émue, c’était vraiment merveilleux. J’étais tellement fière de faire partie de ça.

Le moment où le Voldemort géant se balançait dans les airs pendant la cérémonie d’ouverture est apparu comme un nouveau rite de passage pour la saga Harry Potter.

C’était en effet un de ces moments. Je participais à une répétition générale pour la cérémonie olympique avant que la nuit tombe, et je dois dire qu’après avoir été l’auteure d’Harry Potter pendant 15 ans, dans une certaine mesure, les références à Harry Potter sont toujours présentes dans votre vie et vous vous habituez à ce qu’elles surviennent ici ou là. Mais à chaque fois, j’ai ce frisson qui me parcoure tous le corps, et c’est ce que j’ai ressenti quand Voldemort s’est élevé au milieu du stade. Il y avait ce Voldemort haut de 18 mètres, et j’étais frigorifiée. Il y avait cette chose, qui avait commencé à l’état d’idée sur un bout de papier. Ça paraissait incroyable, donc oui, c’était un grand moment pour moi.

Comment s’est passée votre journée, le jour de publication d’Une Place à Prendre ?

Eh bien, nous sommes venus en avion d’Édimbourg aujourd’hui et maintenant je suis là avec mon mari et ma fille aînée. Honnêtement, j’ai passé une grande partie de ma journée à essayer d’éviter les journaux. Je lirai les critiques, mais je n’ai pas envie de le faire le jour où je dois sortir et parler du livre. Cela peut influencer mes propos. Je dirai que, parmi toutes celles publiées, certaines ont été avantageuses.

Nous nous sommes assis dans notre chambre d’hôtel, et nous avons regardé Men in Black 3. C’était super. Je n’avais jamais vu que c’était si bien. Je lirai probablement quelques critiques à un moment. Pour les Reliques de la Mort, je n’ai pas lu une seule critique pendant très longtemps. Je ressentais pour les Reliques la même chose que ce que je ressens pour ce livre, dans le sens où je sens que j’ai donné le meilleur de moi-même. Le livre est tel que je l’imaginais. Je ne dis pas ça de manière arrogante mais, voilà. C’est fait. Donc peu importe. J’ai lu des critiques des Reliques de la Mort des mois plus tard. Même si ça leur enlève du tonus si vous ne les lisez pas le jour de la publication.

Celle que j’ai lue présentait ce que quelqu’un appelait un « manifeste socialiste de 500 pages » ! J’ai demandé à mon mari de me la toper quand j’ai lu ça. J’ai pensé que c’était correct, je ne suis pas sûre d’avoir compris pourquoi c’était censé être outrageant. Mais attention, je ne visais pas cet objectif. Pour vous en dire un peu plus, c’est Jan Moir du Daily Mail qui l’a appelé comme ça, quelle horreur !

Avez-vous déjà répondu ou été contrariée par une critique ?

Non, je n’ai jamais condamné personne ; je pense que ce n’est pas très judicieux de faire quelque chose comme ça. Mais il m’est déjà arrivé de repenser mon travail à cause de critiques. Une critique fondée peut s’avérer très utile. Et parfois, vous en lisez une et vous vous dites : Ok bon, c’est pas ton livre, c’est moi qui l’ai fait. Ça aussi ça arrive. Tout dépend beaucoup de qui fait la critique et sur quoi le sujet se porte.

Cela fait cinq ans qu’Harry Potter est terminé, alors depuis quand avez-vous Une Place en Prendre en tête ?

J’ai eu l’idée d’Une Place à Prendre quand j’étais en tournée en Amérique pour les Reliques de la Mort. J’ai eu l’idée dans l’avion. Je sais… il y a quelque chose entre les transports et moi. Je dois bouger beaucoup pour avoir une idée. Celle d’Harry Potter m’est venue dans le train, je monte d’un cran à chaque fois. La prochaine idée arrivera dans une navette spatiale ! On m’a en offert une place au fait, pour seulement deux millions de livres je pouvais être envoyée dans l’espace. Mais j’ai refusé. Le train s’était arrêté quand j’avais l’idée d’Harry Potter, mais l’avion lui ne s’est pas posé. Mais ce n’était pas comme une spirale de la mort pendant laquelle je me serais dit que si je survivais à ça, j’écrirais Une Place à Prendre ! J’étais juste assise confortablement et j’ai eu un vol très tranquille. Je ne sais pas pourquoi ni comment je me suis mise à penser à ça. Au début, ça parlait d’une élection locale sabotée par des adolescents. Donc comme pour Harry Potter, l’idée n’est pas venue toute entière d’un coup, mais c’était le commencement d’une idée.

Aviez-vous déjà décidé, avant ça, que votre prochain livre serait un livre pour adultes ?

Oh non, j’étais vraiment ouverte à tout. À ce moment là, j’avais déjà écrit la moitié d’un livre pour enfants. Il est toujours à moitié écrit. J’avais aussi deux ou trois autres idées, mais quand je me suis emparée de celle-là, je me suis dit que c’était elle que je voulais vraiment écrire. Donc tout le reste a été mis en standby.

Le nouveau livre réalise l’impensable et rend les personnalités politiques fascinantes.

Je prends ça comme un énorme compliment ! J’ai dit à James Dancy il y a quelques années, dans un café, quel allait être le sujet du livre. Je me souviens encore de sa tête quand je lui ai dit que ça parlerait d’élection municipale. Je ne peux pas dire que son visage m’encourageait « oooh mais tu dois absolument l’écrire ! »

Les adolescents apparaissent clairement comme un de vos thèmes principaux en tant qu’auteure. Vous êtes d’accord ?

Oui, je pense que c’est vrai. Même si je voudrais prévenir tous ceux qui n’ont pas lu le livre que ce ne sont pas Harry, Ron et Hermione ! Ce sont des adolescents très différents, des adolescents contemporains.

Parmi les thèmes du livre, on trouve l’addiction à la drogue, le racisme, le viol, la pédophilie soupçonnée… Il est clair que c’est un genre de livre totalement différent.

C’est un livre joyeux ! Clairement une comédie, c’est un bon livre de plage. Mais il est en effet différent. Je pense réellement que, même si ça rentre un peu bizarrement dans cette liste de thèmes, c’est un livre humoristique. L’humour peut parfois être relativement noir ; mais bon, c’est la vie dans une petite ville, avec tout ce que ça implique.

L’histoire se déroule à Pagford. Avez-vous été influencée par une ville en particulier ?

Cela ne correspond pas du tout à un endroit réel. Ça se situe dans le Sud-ouest, là où j’ai grandi donc je connais la région. Mais Pagford est complètement inventé. Ça m’a fait rire parce que, apparemment, certaines villes affirmaient qu’elles étaient Pagford avant même que le livre soit sorti, et je me suis dit « Hmmm, peut-être que quand le livre sortira, elles ne seront plus si déterminées à dire qu’elles sont le vrai Pagford. » C’est un endroit très joli dominé par une abbaye, l’endroit où j’ai grandi était dominé par un château, bien que ce ne soit toujours pas Pagford. C’est une ville charmante qui exerce une juridiction controversée sur la municipalité d’un domaine 10 miles plus loin. C’est ce qui donne lieu au conflit dans le livre. Barry, le politicien local qui meurt brusquement au début était quelqu’un de très enclin à maintenir le lien, que de nombreux habitants auraient bien aimé couper.

Le livre se concentre sur toutes sortes de classes, de races, de genres et d’âges. Était-ce un choix délibéré de faire une histoire panoramique ?

Je pense que c’est un point de vue réaliste qui montre à quoi ressemble une communauté comme celle-ci. J’ai grandi dans ce type de communauté, bien qu’il ne s’agisse pas ici de dépeindre la société de Chepstow. Je n’ai pas vécu là-bas depuis mes 18 ans, ce qui commence à faire un bon moment maintenant. Je me suis consciemment attachée à dépeindre une petite société, et nous avons ainsi des personnes de différentes classes sociales dans des situations complètement hétéroclites.

Vous êtes-vous ajustée mentalement à une écriture destinée aux adultes ?

C’est difficile à dire, parce que j’ai déjà écrit pour des adultes auparavant. Je dois faire très attention à ce que je dis, car je n’ai pas envie de donner l’impression que je m’appuie sur des montagnes de manuscrits, ce que je ne fais pas. Mais j’avais déjà essayé d’écrire pour adultes avant Potter, alors ce n’est pas comme si je ne l’avais jamais fait ou que j’avais eu du mal à trouver ce ton dans ma voix. D’un côté, j’étais vraiment libre, mais de l’autre côté, ce livre était un défi car il contient de multiples points de vue. L’histoire ne suit pas nécessairement un schéma linéaire. Vous vous précipitez dans l’action, et quelquefois vous remontez dans le temps. Cela faisait partie des défis que j’ai adoré relever. J’ai vraiment beaucoup apprécié écrire ce roman.

Le point culminant du roman est assez sinistre et choquant, quelle sorte de réaction espérez-vous obtenir ?

Je ne pense pas que j’aurais beaucoup de choses à dire à quelqu’un qui n’a pas larmoyé au moins un petit peu. J’imagine que je n’aurais pas de sentiment très chaleureux face à quelqu’un qui n’en a pas. Mais ce n’est pas très judicieux de poser cette question à un lecteur : « Avez-vous pleuré ou êtes-vous une sorte de sous-homme ? »

Tout le roman se dirige réellement vers un point juste avant la scène finale, quand le lecteur, j’espère, en sera arrivé à se demander pourquoi ces trois personnes n’agissent pas. D’ici là j’espère que vous, en tant que lecteur, comprendrez exactement pourquoi ils font ce qu’ils font. J’ai vraiment dû m’immiscer dans la tête de nombreux personnages.

Il y a un moment dans le livre où vous écrivez qu’une mère rêve que les petits fantômes de ses enfants pleins de vie hantent son cœur. Est-ce un passage auquel vous vous identifiez ?

Oui exactement, et aussi à comment ils détesteraient ça s’ils le savaient. Ma fille est ici-même, à nous écouter. Nous avons parlé de ça après qu’elle ait lu le livre. Elle m’a demandé si c’était vraiment de cette façon que le ressentais. Je lui ai dis que oui, que j’étais désolée mais que c’était comme ça. Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que le statut de parent est un continuel processus de manque. Si vous aimez être parent, c’est toujours à travers une sensation douce-amère. Je me souviens de mon mari qui me disait à propos de nos plus jeunes enfants : « Pourquoi as-tu l’air triste quand tu les regardes si tendrement ? » Je lui ai parlé de leur mort. Nous sommes sur un tapis roulant chacun à un point différent, et un départ est toujours propre à une certaine situation.

La mort est un autre thème dans vos livres, pourquoi joue-t-elle un si grand rôle ?

C’est ça ma réputation littéraire ? Eh bien oui, la mort m’obsède, je dois bien l’admettre. Mais vraiment. Je ne peux pas comprendre pourquoi il n’y a pas plus de gens obsédés par ça. Je pense qu’ils doivent en être obsédés quand même, peut-être j’en fais juste un peu trop par rapport à eux sur le sujet. Il y a quelques morts dans Une Place à Prendre mais je ne m’en soucierais pas trop, la plupart ne sont pas très importants. J’imagine que j’ai quand même laissé des personnes mourir dans Harry Potter en fait. Si la mort m’obsède, je pense que la raison la plus évidente, c’est que ma mère est décédée quand j’avais 25 ans. Elle n’en avait que 45 ; c’était une expérience édifiante. Mais je pense que j’ai toujours été un peu préoccupée par le sujet. Je suis née dans une vieille famille, j’entends par là que ses membres ne vivaient pas aussi longtemps que des aristocrates, et beaucoup de gens sont morts pendant mon adolescence. De vieilles personnes continuaient sans cesse de mourir, et ma sœur et moi étions les deux seules de ma génération. Alors c’est peut-être parce que c’est quelque chose que j’ai souvent rencontré quand j’étais plus jeune.

Le Sikhisme tient également une part importante dans Une Place à Prendre. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Je me suis vraiment intéressée au Sikhisme il y a des années, quand j’avais 25 ans. Je suis devenue très amie avec une fille issue d’une famille Sikh. La religion n’était pas omniprésente dans sa vie, mais nous en avons eu une sérieuse conversation à un moment. J’étais alors totalement ignorante concernant le Sikhisme. Mais elle m’a expliqué ses principes et sa façon de voir l’égalité. Elle se référait au fait que les hommes et les femmes sont considérés comme égaux dans les livres saints, et qu’ils sont capables de participer aux mêmes rites religieux. J’ai été absolument frappée par ça, et je ne l’ai jamais oublié. Pour différentes raisons, je voulais que cette famille soit au cœur de Pagford, en tant que groupe ethnique à part, bien que, d’une certaine manière, ils incarnaient parfaitement cette famille triomphante de la classe moyenne.

Je voulais qu’ils soient Britanniques depuis deux générations, pour que cela soulève certaines attitudes parmi les autres habitants de Pagford. Dans une certaine mesure, c’est un livre sur les étrangers. Ces gens sont simultanément enracinés dans la ville et originaires d’un autre pays. À partir de cette petite graine, j’ai fini par faire beaucoup de recherches sur le Sikhisme, bien que très peu de tout cela apparaisse dans le livre. En fin de compte, ce n’est pas le plus important à propos de cette famille. Les enfants ne sont pas si dérangés par leur religion, ils ont été élevés dans une école primaire de l’Église Anglicane, mais c’est ce mélange qui est intéressant.

Si une morale religieuse se fait sentir dans le livre, cela vient du Sikhisme. Au contraire, l’Église Anglicane est représentée par une église très belle, mais particulièrement vide.

Appréciez-vous la religion vous-même ?

Oui, même si je le dis en tant que personne critiquée par les Chrétiens fondamentalistes. Ça m’amuse parce que les gens me félicitent d’avoir pris ces sujets de front avec Une Place à Prendre. Mais je me disais… mes livres ont été brûlés ! J’ai écrit ce joyeux petit livre à propos de sorciers, que je pensais si moral, et ça a causé toute cette agitation. Alors j’ai encore de la marge pour énerver autant les gens rien qu’avec Une Place à Prendre. Plus sérieusement, je n’aimerais pas pousser trop loin la métaphore chrétienne associée à Harry Potter, car Harry n’a jamais été censé être le Christ ! Mais c’est totalement vrai de dire qu’il y a une symbolique chrétienne dans le livre.

Je ne suis pas en train de devenir trop évangélique, je me suis beaucoup débattue avec la foi. Mais je pense qu’il y a de la poésie et une certaine beauté dans la Bible dont la société occidentale s’est imprégnée. Le fait de se sacrifier, qu’aucun amour ne peut surpasser, est si beau et si puissant que je pense que peu de gens tourneraient le dos à cette idée. Suis-je attirée vers la spiritualité et la foi ? Oui, je le suis, je me pose beaucoup de questions avec lesquelles je me bats souvent. J’imagine que c’est également visible dans Une Place à Prendre.

Y a-t-il quelqu’un qui s’est interrogé sur certaines rimes entre les noms des personnages d’Une Place à Prendre et ceux d’Harry Potter ? Comme Barry et Harry, ou Robbie et Dobby ?

J’étais tellement ennuyée, parce que ça ne m’avait pas du tout traversé l’esprit. Je le jure ! Ce qui est si évident pour vous ne l’est pour moi ? J’étais prête à l’appeler Kevin plutôt que Barry, et maintenant je regrette vraiment de ne pas l’avoir fait. Je cherchais juste un nom qui aurait pu être celui d’une personne normale de la classe sociale des travailleurs, et de ma génération. Barry meurt quand il a 44 ans, c’était presque l’âge que j’avais à ce moment là, donc il est de ma génération. Maintenant, j’aurais vraiment préféré le nommer Kevin. En tous cas, il n’y a rien qui rime avec Hermione, j’en suis sûre !

Quelqu’un m’a dit un jour combien il y a de personnages dans Harry Potter. Je ne me souviens plus du nombre exact, mais il y en a une quantité incroyable, j’étais sidérée. C’est très compliqué de ne rimer avec aucun personnage. Je ne peux pas passer ma vie à essayer d’éviter les rimes avec les personnages des livres Harry Potter. Donc non, Robbie n’est pas censé être Dobby ! Vous l’aurez entendu ici pour la première fois. En vérité… je pensais que la mère qui l’a nommé Robbie était le genre de femme à aimer Robbie Williams ! Voilà, maintenant vous savez tout.

Votre premier éditeur de Bloomsbury, Barry Cunningham, affirme que vous avez nommé Barry en pensant à lui, et que pour montrer votre transition vers la littérature adulte vous l’aviez symboliquement tué. Est-ce vrai ?

Honnêtement, je pense que ce serait plus simple et que j’atteindrais plus facilement mes objectifs si je tombais d’accord avec toutes les théories farfelues. Ensuite, elles se cogneraient les unes aux autres et s’annuleraient mutuellement ! En fait non, je ne cherche pas à analyser mes livres de la sorte, en me tournant vers la folie ! Je répondrai honnêtement si quelqu’un me pose une question directe.

Il y a des personnages très intéressants dans Une Place à Prendre, en particulier dans la manière qu’ils ont d’être laissés de côté et ignorés par la société.

En effet, Crystal (l’une des adolescentes) est ignorante et débauchée, jusqu’à devenir occasionnellement violente. Je ne pense pas que quelqu’un parmi nous serait très heureux de la retrouver dans la classe de ses enfants, mais c’est la réalité. Le livre est censé examiner les attitudes qui entourent les personnes comme elle, et essaie de comprendre pourquoi elle est ce qu’elle est. Je rajouterai également que des personnages comme Crystal ont des qualités qui sont révélées par des évènements au cours de l’histoire.

Le langage utilisé dans le livre a fait couler beaucoup d’encre, en particulier la façon de jurer de Crystal. Que pouvez-vous nous en dire ?

C’aurait été ridicule d’écrire les scènes de Crystal sans ça. Premièrement, je suis allée dans une école qui ressemble beaucoup à celle du livre, donc même si Crystal n’est pas l’image exacte d’une personne réelle, je côtoyais sûrement des gens qui ne sont pas très différents d’elle à l’école. Ensuite, j’ai enseigné pendant quelques années dans une ou deux écoles qui ressemblaient aussi à celle-là. Par conséquent, présenter un personnage comme Crystal et ne pas le faire jurer aurait été grotesque ! Si je suis honnête, et je pense que j’essaie d’être honnête dans le livre, alors Crystal jurera.

Le problème, c’est que Crystal ne voit pas ce qu’elle dit comme quelque chose d’insultant. C’est comme ça qu’elle a été élevée, c’est le langage qu’elle entend tous les jours. Dans le livre, il est même dit qu’elle remplace le mot « très » par « p*tain ». Ce qu’entend sa professeur, issue de la classe moyenne, quand Crystal parle est différent de ce que Crystal entend sortir de sa propre bouche.

Quand vous écriviez Harry Potter, vous avez pu faire l’étrange expérience de voir vos personnages joués à l’écran par des acteurs en même temps. Avez-vous conservé votre propre version des personnages ?

Tous sauf un ! La seule exception concerne Evanna Lynch, qui interprète Luna. C’était un membre parfait dans le casting, j’entendais une voix à l’accent irlandais dans ma tête quand j’écrivais le nom de Luna. Elle s’identifiait énormément au personnage, elle voulait absolument jouer Luna, et elle était parfaite dans ce rôle. Mais honnêtement, tout le casting d’Harry Potter était magnifique ! Je les aime vraiment tous.

Avec ce nouveau livre, vous avez été critiquée par la presse pour la confidentialité excessive autour des manuscrits et leur accès limité avant la sortie.

J’en ai déjà parlé avant, j’ai eu une conversation avec Stephen King à New York un jour, il est le seul écrivain auquel j’ai pu parler de ce problème. Il est exactement dans la même situation que moi, il voulait envoyer des fragments normalement, mais ils continuaient d’atterrir sur eBay. Il a arrêté d’en envoyer, suivi par son éditeur, pour protéger le public et pour l’empêcher de continuer dans cette position. Internet a vraiment tout révolutionné. Si vous avez la solution miracle, j’aimerais vraiment l’entendre. Ce serait super d’avoir une position un peu plus normale. En tant qu’écrivain, vous voulez pouvoir donner à chacun un livre, et ne pas le voir distribué chapitre après chapitre sur Internet par quelqu’un d’autre. Ces choses sont déjà arrivées. Stephenie Meyer a laissé filtrer un manuscrit sur la toile avant même qu’il soit fini. C’est une expérience horrible pour un écrivain. Cette fois-ci, nous avons donné le livre à des journalistes pendant un laps de temps conséquent, pour Potter, nous leur demandions de le parcourir en une demi-heure. C’était devenu affreux. Il y avait tellement de choses merveilleuses concernant Harry Potter, mais je détestais cet aspect. Cette fois au moins, je peux parler avec des gens qui ont eu le temps de lire le roman avant la publication. Ça ne marchait pas comme ça il y a cinq ans.

Qu’est-ce que ça fait de voir ses mots sur une page se transformer en quelque chose qui prend le relais pour vous ?

C’est tout bonnement incroyable ! C’est tout à fait ce j’ai ressenti ce soir. J’ai vu une pile de nouveaux livres pour la première fois. Je ne les avais jamais vus entassés comme ça auparavant et je me suis dit : « Mon Dieux, enfin ! Ça y est, fantastique ! » J’ai passé les deux premières années sur ce livre à me dire : « Tu n’es pas obligée de le publier. » Simplement parce que je me réjouissais de n’avoir aucun contrat, et que personne ne savait ce je faisais. C’était un rythme si paisible, contrairement à la pression et aux attentes de Harry Potter. Tout le monde attendait le prochain tome trois secondes après que j’en avais publié un. J’ai donc passé un an ou deux à me prélasser dans l’idée que, pour une fois, personne ne savait ce je faisais. Même si j’ai toujours su que je le publierai un jour ; à part J.D. Salinger, vous écrivez pour être publié. Aujourd’hui est donc une célébration !

Portolien

« The Ickabog » publié par J.K. Rowling

Plusieurs chapitres du conte pour enfants "The Ickabog" seront publiés jusqu'au 10 juillet par J..K Rowling.