Compte-rendu de la troisième journée, et des précisions sur le fair use

Signifiant que les deux parties dans l’affaire opposant J.K. Rowling et Warner Bros. à RDR Books sont prêtes à poursuivre ce procès pour un bon bout de temps, les avocats ont informé la cour ce matin [ndlr : mercredi 16 avril 2008] que, malgré les avertissements du Juge Patterson, ils s’étaient uniquement mis d’accord concernant les accusations de fausse publicité et les méthodes de négociation trompeuses. Le nouvel accord implique que ni le nom de J.K. Rowling ni la citation de ses propos pleins de louanges à l’égard de la version en ligne du H.P. Lexicon de Vander Ark n’apparaîtront sur la couverture de l’édition imprimée du lexique.

En amont, Anthony Falzone, avocat représentant RDR dans l’affaire, a expliqué à la cour que les parties souhaitaient “mettre un accord par écrit” concernant l’utilisation illégale d’une marque déposée et les accusations de compétition inégale.

Que nous reste-t-il ? La violation de droit d’auteur, le problème au cœur du procès.

Je ne veux pas être influencé par l’attitude des plaignants ou de la défense concernant l’accord que vous avez trouvé”, a expliqué le Juge Patterson aujourd’hui, au début de la troisième journée d’audience. “Je pense que cette affaire, avec un peu d’imagination, pourrait être réglée assez aisément… Mais ne sortez pas tous vos arguments à cause de moi et de mon désir d’avancer au plus vite.

Juste avant qu’il ne prononce ces paroles, Patterson, établissant une comparaison entre la présente affaire et La Maison d’Âpre-Vent, roman de Charles Dickens, récit d’un procès sans fin, a déclaré qu’il soupçonnait l’une des deux parties de faire appel concernant sa décision et que cela les amènerait jusqu’à la Court Suprême, prenant probablement des années avant que l’affaire ne soit résolue.

Cependant, déterminées à continuer, les parties ont poursuivi. Dale Cendali d’O’Melveny, l’avocate générale de Rowling et de Warner Bros., a expliqué au Juge que les plaignants, après le témoignage donné hier par l’expert en édition Bruce Harris, en avaient terminé avec leur plaidoirie affirmative concernant la violation des droits d’auteurs. Il ne reste donc plus qu’à la défense de prouver que le Lexicon est conforme répond aux obligations du « fair-use », débutant avec le témoignage ce matin d’une experte en littérature et lexique, Janet Sorensen, un professeur de littérature anglaise du 18ème et du début du 19ème siècle à l’Université de Californie, Berkeley.

David Hammer, l’avocat général de RDR, a paru être particulièrement déterminé à démontrer que plus une œuvre est créative – le “fantastique” étant peut-être le genre littéraire le plus créatif – plus il y a besoin de guide de référence pour éclairer le lecteur concernant l’univers unique (et original) que l’auteur a imaginé. Sorensen a attesté que, d’un point de vue historique, les lexiques et les œuvres de références, comparables à celle de Vander Ark, ont été d’une grande aide au lecteur cherchant à gagner une meilleure compréhension d’œuvres telles que Le Seigneur des Anneaux de J.R.R. Tolkien ou encore Le Monde de Narnia de C.S. Lewis. Les lexiques semblables au Lexicon de Vander Ark peuvent instruire le lecteur concernant l’étymologie, les références à la Mythologie, la géographie (réelle ou imaginaire) et le langage vernaculaire employé par l’auteur. Elle a également déclaré que les guides de référence écrits par les auteurs eux-mêmes n’apportent pas toujours toutes les informations existantes concernant leurs propres textes, étant donné que les auteurs peuvent supposer que les lecteurs ont déjà une certaine connaissance de leur œuvre.

Lors de sa contre-interrogation, Cendali s’est penchée à nouveau sur le motif légal qui a poussé les plaignants a engagé des poursuites judiciaires dans cette affaire : le H.P. Lexicon prend beaucoup pour ne donner que très peu. Cendali a axé son questionnement de Sorensen sur le fait que le Lexicon ne contient que très peu d’analyses explicatives. Ce que Sorensen a admis en ajoutant cependant que l’analyse ne représente pas l’unique bénéfice d’un guide de référence tel que celui de Vander Ark puisse apporter à un lecteur.

Pour le Law Blog, le témoignage de Sorensen a apporté quelques éclaircissements concernant l’un des problèmes centraux de l’affaire : Est-ce qu’un guide de référence qui prétend avoir pour but de supprimer, de compiler, de réorganiser, de condenser et de synthétiser les informations contenues dans une œuvre de fiction – mais qui est léger d’un point de vue analytique – peut répondre aux obligations établies par le « fair-use » ?

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Le commentaire donné par le Juge Patterson hier dans le cadre l’affaire du H.P. Lexicon, “Cette affaire soulève des problèmes importants et le résultat pourrait aussi bien être favorable aux plaignants qu’a la défense. La doctrine du « fair-use » n’est pas claire.”, nous a vraiment intrigués. Nous en avons discuté avec un avocat expert en Propriété Intellectuelle, Ethan Horwitz, partenaire de King & Spalding ici à New York, qui suit l’affaire de près. Il est d’accord avec le Juge Patterson – cette affaire est délicate, autant au niveau des lois que des faits.

Merci de votre temps, Ethan. Donc vous pensez que c’est du coude à coude entre Warner Bros. et J.K. Rowling d’un côté et RDR Books de l’autre ?

C’est assez exceptionnel à mon avis. Le test du « fair-use » comprend quatre facteurs et chaque partie peut trouver des preuves pour le passer avec succès. L’affaire est très étendue. Et je pense qu’il s’agit aussi d’une affaire délicate en ce qui concerne les faits. Elle se trouve au croisement de tout cela.

Pouvez-vous nous démontrer que la doctrine du « fair-use » n’est pas claire ?

Bien sûr. Hé bien, selon la loi du droit de copie, 17 U.S.C. Sec. 107, le test du « fair-use » comprend quatre parties. C’est une évaluation de la totalité des faits qu’un juge est supposé appliquer, signifiant que quiconque ne passant pas le test avec succès n’est pas censé remporter l’affaire. Une des parties du « fair-use » s’intéresse à la nature de l’œuvre protégée par droits de copie. Plus l’œuvre est créative, moindres seront les chances pour que le « fair-use » puisse être appliqué dans ce cas. Moins l’œuvre est créative – par exemple un article de news ou un écrit qui se repose sur de nombreuses sources – plus les chances pour que le « fair-use » soit utilisé en tant qu’argument dans l’affaire sont importantes.

Mais la loi n’est pas très claire à ce sujet. Par exemple, dans une affaire concernant un jeu de questions-réponses basé sur le show télévisé Seinfeld, le juge a refusé l’argument basé sur le « fair-use » que les premiers inventeurs du jeu invoquaient. Au même moment, dans une affaire différente, la publication d’un livre utilisant des photos protégées par droit d’auteur du groupe Grateful Dead a été autorisée sous couvert du « fair-use ».

Encore un autre exemple : une autre partie du test s’intéresse sur la quantité de l’œuvre qui a été copiée. Dans une affaire très connue concernant les Mémoires du Président Ford, la Court Suprême avait découvert que le « fair-use » ne pouvait être appliqué si le magazine qui avait copié une partie du contenu de l’ouvrage ne question n’en avait utilisé que 300 mots sur 200 000. Cependant, dans l’affaire Sony/Betamax, la Cour avait déclaré que la copie de l’intégralité d’un film ou d’un show télévisé n’entrait pas dans le cadre de l’application du test du « fair-use ». C’est extrêmement déroutant comme vous pouvez le voir.

Et qu’y a-t-il à dire à propos des faits ici ?

Là encore, c’est donnant-donnant. Chacun des antagonistes a ses faiblesses et ses forces. Une autre partie du « fair-use » s’intéresse à l’effet qu’aurait la publication d’une œuvre sur le marché, et ce essentiellement en ce qui concerne la démonstration faite par le détenteur des droits de copie d’un potentiel effet négatif de la mise sur le marché de l’œuvre incriminée sur la vente de son travail. Il est difficile à Rowling de donner cet argument ici parce qu’elle a été d’un grand soutien par le passé envers les sites de fan et les lexiques etc. C’est son problème majeur.

Le plus gros problème de Vander Ark, je pense, c’est que le contenu de son site est beaucoup trop ressemblant à celui des livres. Techniquement parlant, il s’agit d’une violation de marque déposée, mais cela va également affecter un autre facteur qui est la quantité d’informations qu’il a directement empruntées au texte original.

Votre prédiction ?

Je préférerais ne pas en faire concernant cette affaire.

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