La présentation de la plainte
Dans le cadre de l’affaire opposant Warner Bros. et J.K. Rowling à RDR Books, les avocats ont commencé ce matin à se présenter eux-mêmes, leur équipe et leurs clients à la Cour, présidée par le juge du District Austral, Robert Patterson.
David Hammer, l’avocat général de RDR Books, a dit sur un ton teinté d’humour que son client, Roger Rapoport, propriétaire de RDR Books, était la raison pour laquelle “nous sommes ici aujourd’hui”. Cependant, lorsque Dale Cendali, l’avocate générale de la Warner et de Rowling s’est rendue à la barre pour faire part de ses premières remarques, elle a emprunté le même ton que son antagoniste, déclarant qu’en réalité sa cliente, J.K. Rowling, était la seule raison pour laquelle ils étaient réunis ici.
Alors que les propos précédemment rapportés, qui ont amusé la galerie, n’étaient aucunement liés au problème du fair-use, cela s’est avéré être un jeu scénique utile qui a immédiatement assimilé Rapoport et Steve Vander Ark, comme de simples profiteurs du phénomène Harry Potter.
Cendali : Le Fair-Use n’est pas respecté par le Lexicon
L’introduction de Cendali a duré presque une heure. Elle a commencé par décrire le Lexicon comme une copie “délibérée” du travail sur lequel Rowling a trimé pendant les 17 années qu’elle a consacrées à l’écriture des sept tomes de la série. Le Lexicon serait une œuvre “uniquement destinée à faire le plus d’argent possible”. L’ouvrage, rapportait Cendali, prétendument une encyclopédie de la saga, est en réalité un ramassis de citations et d’expressions “sporadiques qui n’ont pas vraiment de sens” tirées directement de l’œuvre de Rowling.
Après s’être attardée sur la liste des correspondances existant entre le Lexicon et les livres Harry Potter qui selon elle prouvent la mauvaise foi de Vander Ark, elle a minutieusement détaillé les quatre composantes de la doctrine du « fair-use » – la nature du travail soumis aux droits de copie, la quantité du contenu copié, le but et la nature de l’usage et l’effet sur le marché – démontrant que le Lexicon ne répond à aucune de ces obligations.
Le Lexicon n’apporte rien à l’œuvre de Rowling, contrairement à d’autres guides sur le sujet
Cendali s’est surtout concentrée sur le troisième facteur (la quantité du contenu copié), en répétant plusieurs fois que “le lexique volait beaucoup pour en faire peu”. En d’autres mots, elle a débattu à propos du fait que, à l’inverse des autres livres d’accompagnement Harry Potter, qui intègrent des commentaires, des analyses et des recherches sur le travail de Rowling dans leur contenu, le Harry Potter Lexicon n’apporte rien de nouveau ou d’original mais se contente simplement de “réarranger le décor des romans de Rowling”. En caractérisant le Lexicon d’encyclopédie, Cendali, dans son propre registre de maraudage littéraire, en venait à la conclusion que RDR tentait de “tirer de la farine d’un sac de son”.
Falzone : Rowling n’a pas à être toute-puissante sur ce qui entoure son œuvre
Quand Anthony Falzone, professeur de Droit à l’Université de Stanford et héritier du Projet « Fair-Use » (qui milite pour cette doctrine, afin d’encourager la liberté de création), a pris la parole, il a été assez bref, expliquant tout simplement qu’il serait regrettable pour le public que le Lexicon ne soit pas publié. Selon lui, le pouvoir que Rowling revendique sur son univers fictif ne signifie pas pour autant qu’elle puisse revendiquer ce même pouvoir sur les guides de lecture écrits par d’autres auteurs. Falzone a conclut : “il n’a jamais été question d’argent, Vander Ark a écrit le ‘Lexicon’ parce qu’il était animé par sa passion pour la série ‘Harry Potter’”.
Rowling, dépossédée de son œuvre
L’événement phare de la journée a été la prise de parole par J.K. Rowling lors de l’audience, habillée dans le même style que ses avocats, avec un tailleur noir à rayures. Dans le cadre d’un interrogatoire principal, Cendali a commencé à questionner Rowling concernant la création initiale de la franchise Harry Potter et les difficultés financières qui l’ont précédée.
“Je ne veux pas pleurer, parce que je suis britannique”, a expliqué Rowling, paraissant quelque peu effondrée, “mais la rédaction des livres ‘Harry Potter’ m’a obligée à faire passer mes enfants au second plan pendant 17 années.” Bien que dévoilant au grand jour les faiblesses de Rowling, cela a néanmoins déclenché un élan de sympathie à son égard. Cela marquait également un tournant dans le processus du témoignage qui aurait, dans le cas contraire, paru déclaratif et autoritaire.
“Ce procès a gravement altéré ma capacité créative au cours de ce dernier mois”, a expliqué Rowling. “Vous perdez les droits que vous possédez concernant l’intrigue que vous avez imaginée et vous vous souciez de savoir si vous pourrez réutiliser un jour des éléments de l’histoire que vous avez écrite.”
“Si mes fans devaient être soumis à une indigestion de livres ayant peu de valeur – communément appelés lexiques – je ne pense pas que j’aurais le cœur ou la volonté de continuer à écrire”, a déclaré Rowling, décrivant ensuite le H.P. Lexicon comme “peu soigné”, “peu documenté” et “incorrect”.
Cendali a ensuite amené Rowling à réaliser une comparaison entre les romans de la série et les livres d’accompagnement qu’elle a rédigés, puis entre les romans de la série et le Lexicon. En résumé, les plaignants ont mis côte à côte des passages se rapportant à “l’Ordre du Phénix”, au “Boutefeu chinois” et aux “Glaces Florian Fortarôme” issus des livres et du H.P. Lexicon de Vander Ark démontrant qu’ils avaient été pratiquement copiés mot pour mot.
“L’argent n’est pas la question”, concluait Rowling à la barre. “Certaines lois ont été bafouées et c’est pourquoi je suis ici. Et je suis déterminée à avoir mon mot dans cette histoire en tant qu’auteur.”