Qualifier le Lexicon de “facétie de mauvais goût”, une conclusion vraiment bien choisie?
Les plaignants (l’auteur J.K. Rowling et Warner Bros.) ont fait appel à leur experte en littérature, Jeri Johnson, une directrice des études à l’Université d’Oxford. Johnson, dont le titre a donné du fil à retordre aux avocats – s’adressant à elle en tant que «Don», «Doyenne», ou «Doctoresse» (elle n’a pas de doctorat) – a témoigné à propos de quelques généralités précédemment exposée, concluant que les entrées du Lexicon n’apportaient rien de supplémentaire en ce qui concerne “l’interprétation” des romans de Rowling et ne réorganise que peu “le mobilier” déjà mis en place par l’auteur.
Peu impressionné par les précédents commentaires, le Juge Patterson a interrompu l’interrogatoire en ces termes : “Il ne s’agit pas là d’un témoignage ayant un quelconque intérêt étant donné qu’on en arrive à des conclusions qui ne sont pas supportées par des éléments spécifiques. Je ne peux tout simplement pas accorder de crédit à l’opinion émise par l‘expert.”
Puis, quand David Hammer – l’avocat général de RDR qui a conduit chacun des interrogatoires de la défense – a contre-interrogé Johnson, son témoignage s’est tout simplement éclairci.
Hammer a incité Johnson à en dire plus par rapport à ses précédentes déclarations selon lesquelles le H.P. Lexicon n’était qu’une “facétie de mauvais goût”, que ses plaisanteries étaient “légères”, “condescendantes à l’extrême” et qu’elles ne se résumaient qu’au résultat d’une “jovialité irritante”. Hammer a fait admettre à Johnson que ce qui paraît évident à une directrice des études à Oxford ne l’était peut-être pas pour des enfants – vraisemblablement la partie de la population à laquelle le Lexicon est destiné en premier lieu. Il lui a demandé : Est-ce qu’une œuvre qu’elle ne qualifierait pas pour recevoir une bourse pourrait avoir une quelconque utilité pour un enfant de 10 ans ? “Oui”, a-t-elle dit. “Je n’ai plus de questions”, Hammer a-t-il déclaré après cela.
Le Lexicon prend-il les meilleures miettes du gâteau de Rowling ?
Les plaignants sont retombés dans le travers de la généralisation lorsque Rowling, le premier témoin dans l’affaire, s’est rendue à la barre en tant que dernier témoin à comparaître pour le procès. Comparant ses romans à un gâteau, Rowling a affirmé que le Lexicon en avait sélectionné les meilleures “miettes”, les reconditionnait et les vendait sous couvert d’“offre de divertissement”.
À nouveau, le Juge Patterson est intervenu et s’est adressé à Rowling directement. “Pouvez-vous vous imaginer un instant que quiconque lisant [le ‘Lexicon’] le ferait pour se divertir ?”
“Non”, a-t-elle répondu. “Mais, sans vouloir paraître arrogante ou vaniteuse, il contient des éléments divertissants – et je les ai écrits.” Rowling a poursuivi en disant que la Loi ne devrait pas lui accorder moins de protection de ces droits d’auteur uniquement parce que son œuvre a eu du succès. Et, si RDR l’emporte, elle a débattu du fait que […] l’on s’engagerait alors sur “un terrain glissant”, que cela ouvrirait des “portes à toutes sortes de possibilités”, qu’“un exemple serait donné” et que tout le monde aurait la possibilité de “plagier le travail d’un auteur” et de se l’approprier.
[…]« Peut-être aurais-je besoin d’un guide de référence pour cette affaire »
C’était le commentaire de clôture du témoignage par le Juge Patterson. À nouveau, il a fortement recommandé aux deux parties de trouver un terrain d’entente, leur rappelant que la doctrine du « fair-use » n’est “pas claire”. Hammer a ensuite réclamé la possibilité de donner un commentaire de clôture, ce qui était ingénieux de sa part étant donné que son associé dans l’affaire, Anthony Falzone, en avait délivré un important.
L’avocate de Rowling, Dale Cendali d’O’Melveny, a à nouveau mis l’accent sur le thème principal de l’argumentation des plaignants, selon lequel le Lexicon “prend beaucoup trop pour ne donner que très peu” et n’offre que peu d’éléments d’analyse et d’interprétation.
Anthony Falzone, avocat de la défense et professeur de Droit à l’Université de Stanford qui n’avait pas pris la parole depuis son discours d’introduction, a emprunté un ton professoral et a conduit le juge à travers une analyse profonde du cas de RDR. La “synthèse” et la “condensation” sont ce qui fait du Lexicon une œuvre novatrice, a-t-il affirmé. “La qualité ne devrait pas avoir d’importance”, a-t-il souligné. Si le Lexicon est mauvais, a-t-il conclu, la solution n’est pas d’en empêcher la publication, mais plutôt que Rowling écrive la sienne.