Interview de Nicholas Hooper

iF : Vous êtes l’un des compositeurs les plus mystérieux d’Harry Potter, quel était votre état d’esprit pour commencer?
J’ai vu dans l’Ordre du Phénix un beau défi, l’occasion d’élargir ma palette de composition, écrire à une échelle plus grande que jamais, et la possibilité de créer la musique de l’une des meilleures histoires pour enfants jamais écrites. J’étais un grand fan des livres, et je considère John Williams comme l’un des plus grands compositeurs de notre temps. C’était une chance incroyable d’écrire quasiment « symphoniquement » pour le cinéma.

Comment vous-y êtes vous préparé, et vouliez-vous rester dans le monde musical qu’avait établi Williams pour les films?
J’ai bien sûr étudié la musique de John Williams, et aussi quelques compositeurs qui ont peut-être influencé sa composition pour Harry Potter. J’ai observé en particulier L’Oiseau de Feu, d’Igor Stravinsky. Cet oiseau de feu est en fait un phénix, cela paraissait donc approprié. Puis, après avoir étudié en détail l’écriture de John Williams, j’ai décidé qu’il serait préférable de trouver ma propre voie, plutôt que d’imiter un tel maître. David Yates a approuvé cette idée, car il voulait que la musique prenne une autre direction dans ces films plus sombres.

Comment avez-vous décidé des thèmes du Prince de Sang-Mêlé et d’où mettre le thème de John Williams ?

Bien que certaines décisions auraient pu sembler évidentes, j’ai tendance à écrire instinctivement, je laisse les choses venir et se développer toutes seules. Ce serait facile de dire que l’utilisation de tel ou tel thème m’est apparu comme un éclair de génie. Mais en fait, quand ça fonctionne, c’est qu’on a d’abord essayé certaines choses et qu’on en a discuté.
Comparez ça à un jet de peinture qu’on lance sur un mur un jour, et qu’on revient voir le lendemain pour constater la forme que ça donne. La réutilisation du thème de la Possession de HP5 (quand Voldemort prend possession de Harry) m’est venue quand Voldemort est mentionné pour la première fois sous le nom de Tom Jedusor, dans le discours de Dumbledore, au début du premier trimestre. Cela semblait fonctionner dans cette scène, et le thème a fait petit à petit son bout de chemin dans le film, suivant l’implication de Dumbledore par rapport à Voldemort. Ce thème ajouté à un nouveau thème a créé la structure de toute la musique du film. Après cela, l’insertion des thèmes de John Williams s’est faite de manière naturelle.
Le film commence toujours par une touche du thème d’Hedwige (avant l’attaque des Mangemorts sur Londres). Plus tard dans le film, ce même thème donnait le sentiment d’être de retour dans un film Harry Potter, alors je l’ai utilisé pour le train de Poudlard, et l’arrivée de Harry chez les Weasley. J’ai aussi aimé l’utiliser un peu lors du match de Quidditch, pour faire ressortir les qualités incroyables de Ron en tant que gardien.

Parlez-nous des nouveaux thèmes du Prince de Sang-Mêlé
Le nouveau thème m’a été inspiré par quelques mots écrits par le scénariste Steve Kloves, pour la chanson « In Noctem », que devait chanter la chorale de Poudlard dans une scène vers la fin du film, juste avant la mort de Dumbledore. Mais finalement, la scène a été abandonnée car elle freinait l’action [Ndlr : on comprend mieux pourquoi, avant l’attaque de Katy Bell, le Trio croise le professeur Flitwick qui parle « d’une répétition urgente »… et qu’on n’en entend plus jamais parler par la suite !] Mais le thème un peu mélopée est devenu majeur dans le film, soutenant ainsi le voyage de Dumbledore, jusqu’au climax quand il se rend à la grotte avec Harry. L’autre thème inédit important, c’est celui de Malefoy, qui joue un rôle majeur dans ce film. Le but était de donner une impression de mystère mais aussi de tristesse plaintive, pour le jeune Drago, piégé dans cette logique infernale du mal.


C’est le film le plus pessimiste de tous les Harry Potter. A quel point souhaitiez-vous égayer la noirceur de l’histoire ?

Je ne le trouve pas pessimiste. C’est émouvant, certainement, mais il y a beaucoup d’action et les relations entre personnages se développent. J’ai choisi de développer le côté émotionnel. Donc les mélodies concernant les relations amoureuses, comme lorsque Ginny embrasse Harry, ou la scène plutôt amusante où Hermione essaie de convaincre Harry qu’elle se fiche de Ron et Lavande, ces mélodies ont une touche beaucoup plus légère, proche même du solo.

Après deux films Harry Potter et, j’imagine, les deux prochains, espérez-vous apporter des thèmes dont la richesse musicale sera aussi mémorable que celle créée par Williams?
J’ai pris la décision de ne pas faire les deux prochains films. Je passerai le relai à un autre compositeur. J’ai fait un sacré voyage et ça a été un immense privilège d’avoir pu travailler sur de si grands films, et une histoire si fantastique.

Portolien

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