HP6 : Critique d’une spectatrice à lunettes noires

Le 29 juillet dernier, je suis allée voir le film. Voici ce que je peux en dire.

La première chose qui m’a frappée c’est le peu de spectateurs présents dans cette salle de deux cents places. Il faut croire que, le soleil aidant, la plage avait damé le pion à notre cher sorcier.

Je ne vous parlerai pas du jeu des acteurs, je suis aveugle et n’ai donc pas la possibilité de voir les images.
Mais j’ai pensé que les voix de doublage françaises étaient cette fois plus crédibles. Dans la Coupe de Feu ces doublures m’avaient gênée au point que j’étais allée voir la VO pour les oublier !

Eh bien, on est d’emblée dans le vif du sujet puisque l’action s’ouvre sur la catastrophe du pont de Brockdale. Même sans voir les images, j’imaginais tout à fait la panique. C’est bien plus fort, visuellement parlant si je puis dire, que la rencontre entre les deux ministres du début du livre, pour mettre le spectateur dans le bain.

La scène suivante (la rencontre entre Harry et la jeune fille Moldue) est surprenante. Elle n’est pas dans le livre, je me suis dit qu’elle était peut-être inspirée d’une fanfic et en tous cas elle détend l’atmosphère. Après tout, il n’y a pas des flirts que chez les sorciers !
Cette scène remplace avantageusement celle qui se passe chez les Dursley dans le livre, il me semble.
Je n’ai pas pu déterminer si ces derniers étaient ou non montrés dans le film. Je croyais que oui, tout au début, mais d’après l’article concernant l’avant-première parisienne, paru sur le site et que je viens de relire, j’ai dû faire erreur.

Comme l’opus 5, cet épisode est fidèle au livre, en tous cas aux grandes lignes de l’histoire.
Je remarque pourtant trois scènes légèrement différentes :

– Dans le film c’est Luna qui retrouve Harry dans le train après l’altercation avec Drago. Dans le livre, c’est Tonks.
Le transfert de rôle est curieux.
A priori Tonks par son métier est mieux placée qu’une élève de sixième année pour retrouver notre héros.
Peut-être le réalisateur, qui base en partie son film sur les sentiments qui agitent les adolescents, a-t-il voulu mettre en valeur l’amitié de Luna pour Harry ?

– Il y a une attaque de Mangemorts après Noël, alors que Harry et ses amis sont au Terrier, semble-t-il, si du moins j’ai bien compris car la seule ambiance sonore peut tromper.
Il n’y a pas de scène semblable dans le livre avant la bataille de Poudlard.
Cette scène vient habilement relancer l’action après la fête familiale, qui est moins évoquée que dans le livre, mais dont on devine la morosité.

– La troisième scène en désaccord avec le livre (mais ça ne m’a frappée qu’en le relisant), c’est la présence de Bellatrix dans la tour d’astronomie.
En fait, sauf chez Rogue et un peu plus tard par une affiche sur le Chemin de Traverse, Bellatrix ne paraît pas dans le livre même si elle est évoquée à plusieurs reprises.
Si elle est présente pendant la bataille (ce qui n’est pas impossible) elle n’intervient pas au premier plan cette fois-là.
Le réalisateur a-t-il voulu donner à l’actrice un rôle plus conséquent ?
En tous cas cela ne gêne pas le spectateur non averti que ce soit Bellatrix plutôt qu’Alecto Carrow qui insiste pour que Drago exécute sa « mission ».
Et le pied-de-nez grotesque qu’elle fait à Hagrid ressemble tellement à ce que j’imagine de cette femme que ça ne m’a pas dérangée non plus.

Je n’ai pas trouvé cette fois de scène dont l’absence m’ait choquée, comme cela s’était produit avec la Coupe de Feu.
Ici aussi le quidditch est peu présent, mais la rivalité entre McLaggen et Ron est plus d’ordre sentimental que sportif et le film le montre bien.
L’absence des elfes de maison (en tous cas dans les dialogues) ne gêne pas non plus, ils ont ici un rôle bien moins important que dans la Coupe de Feu.

La visite de Percy à sa famille est passée sous silence, mais c’est un micro événement. En revanche l’absence du Ministre de la Magie est un peu plus étrange : le réalisateur veut peut-être montrer par là que les interventions du Ministère de la Magie ne servent à rien…

J’ai eu l’impression que Fleur Delacour n’apparaissait pas non plus… Mais je ne suis pas sûre de moi sur ce coup-là.
S’il paraît, le couple qu’elle forme avec Bill est en tous cas bien moins mis en valeur que dans le livre.
Il semble que le réalisateur lui ait préféré le couple Remus-Tonks, qui dans le livre est plus effacé.

L’impossibilité de voir les images n’est pas vraiment gênante en général pour comprendre ce film, en tous cas pour qui a lu le livre et se souvient assez précisément des événements importants de l’histoire.
Pour ceux qui ne sont pas habitués à l’univers potterien c’est sûrement plus compliqué.

En fait, certaines scènes peu claires a priori sont ensuite explicitées par un dialogue. La première où apparaît Harry par exemple est explicitée par les remarques de Dumbledore ensuite lorsqu’il vient le chercher pour aller voir Slughorn.
Pour le spectateur qui ne peut voir l’écran, ces dialogues avant, pendant ou après une scène muette sont très importants, ils permettent de saisir ce qui s’est passé.
Dans ce film ce « système D » marche assez bien, mais c’est loin d’être toujours le cas.

Les trois « blancs » que mon imagination ne pouvait pas combler lors de la première séance, je pense les avoir compris en revoyant le film une deuxième fois.
Ce sont les passages où on entend un oiseau, sur une musique assez inquiétante. J’ai supposé que l’image montrait les efforts de Malefoy pour réparer l’armoire à disparaître… Mais je me suis peut-être trompée.
La musique permet parfois de saisir une ambiance, mais s’il n’y a pas de dialogue pour expliciter la scène, on peut aisément faire fausse route.

Il reste une scène, juste avant la fête de Noël chez Slughorn, qui me demeure obscure. Si je ne me trompe pas, Harry et Luna se retrouvent dans une partie du château dont Luna dit qu’elle ne l’a jamais visitée… et ensuite on entend une formule prononcée plusieurs fois… Ca ne me rappelle rien de semblable dans le livre et je n’ai rien pu imaginer de convaincant.

Il n’y a plus qu’à souhaiter que le film soit un jour décrit pour que je puisse comprendre le sens des images et vérifier si ce que j’imaginais en écoutant le film était exact ou pas…

Mais la question est : quand ce film sera-t-il décrit, et la bande sera-t-elle sur le DVD quand il sortira ?
C’est une autre histoire !

Pourtant, la technologie de description des images existe, depuis près de 20 ans maintenant
L’audiodescription (on dit aussi audiovision ou vidéodescription) est un procédé qui, grâce à des commentaires concis introduits en voix off dans la bande son du film, permet de décrire tout ce que le spectateur handicapé visuel ne peut voir de la projection (images, pancartes, déroulement de l’action, costumes et expressions des personnages).

Quand je pense au nombre de films qui pourraient être grâce à cela rendus compréhensibles, et au très petit nombre de descriptions réalisées (il y en a encore moins qui sont commercialisées), je dis qu’il y a des mauvais sorts qui se perdent !

Plus sérieusement, j’aimerais bien qu’on arrête de proclamer des Chartes en veux-tu en voilà, fin 2008 il y a eu justement la signature en France d’une charte pour développer l’audiodescription, et qu’on passe aux réalisations !
Cela permettrait enfin aux personnes empêchées de voir l’écran, de prendre au cinéma tout le plaisir que tout spectateur est en droit d’attendre d’un bon film !

Portolien

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3 commentaires

  1. HP6 : Critique d’une spectatrice à lunettes noires
    Je cite l’article :

    « Elle nous éclaire (…) »

    C’est un jeu de mot, l’usage de ce verbe concernant une aveugle ?

  2. HP6 : Critique d’une spectatrice à lunettes noires
    Très belle critique. J’espère que quelqu’un pourra te lire ce message…
    Tu as bien deviné pour les 2 blancs : Drago essaye de réparer l’armoire à disparaître. Quant au 3ème blanc… c’est la même chose. La formule « Harmonia nectere passus » sert à activer le passage.

    Je suis scandalisée que la vidéodescription ne soit plus souvent réalisée ; c’est tellement sous-developpé que je n’en avais même jamais entendu parler !